Une fois n’est pas coutume, ptit dèj dans le jardin au soleil en tailleur. Après quelques chocopops et une banane un peu verte, je me lance à l’assaut de ma prochaine destination : la visite de la distillerie de whisky Clynelish. A 11h. Autant dire que ça me booste. Passage obligé en Ecosse comme le pastis à Marseille ou le champagne à Reims. Mourir sur la route sans avoir goûté au whisky serait aussi stupide que de se faire écraser ivre… J’arrive, je visite, je vois les enormous serpentins qui conduisent la part des anges. La guide a un tel accent écossais couplé à un débit – pas de boisson – enormous que j’y comprends quasi rien et la fiche directement traduite par Google translator n’aide que peu. En résumé : la grande majorité de leur production part en mélange – blended – dans les Johny Walker (qui en contient environ 60%), le reste – en single malt – mature pendant 14 ans en moyenne dans des futs américains enchêne qui ont contenu du bourbon et des futs espagnols qui ont contenu de l’alcool de cerise. (Cf wiki pour le reste). Je teste 4 whisky – non non, je ne recrache pas – accompagnés de fins chocolats pour souligner les arômes : truffe, chocolat ganache passion, chocolat ganache caramel un peu salé. Pas d’achat en boutique car bagage cabine empêche : merci Ryan Air de préserver mon porte-monnaie. Grisé, je repars sur les routes. Le ciel changeant devient plus gris et mon humeur aussi car les effets anesthésiants de l’alcool, de l’ibuprofene et du doliprane s’estompent pour laisser place à mes douleurs implacables aux genoux. Arffff… Chaque tour de pédale est terrible. La passion selon St Cédric, loin derrière celle de Ste Therese de Pixtory néanmoins. La route est belle, l’immensité de l’océan se déploie tout au long et de tout son long, les falaises donnent du cachet aux prés parfaitement tondus par des moutons toujours affamés. Pleins de petits agneaux bêlent en suraigu à mon passage. On pourrait faire des green de golf partout ici sans débourser un centime de coupe. Et toujours ces haies d’ajoncs jaunes à la senteur noix de coco. Parfois une maison aux fenêtres étroites et grises ramènent à l’austérité de ce pays qui est froid 99% de l’année. Sur la gauche, le château de Dunrobin, édifice imposant, demeure depuis le 12ieme a minima des ducs de Sutherland. Obligé que je m’arrête ! La construction est assez tarabiscotée étant donné l’empilement architectural des siècles. Un vieux monsieur digne en kilt me donne mon billet. L’escalier recouvert de damiers écossais et de trophées de chasses donne le ton. Les pièces habillées de bois et de gros fauteuils donnent envie de se pelotonner devant la cheminée. Luxe, calme et volupté caractérisent ce château. Beaucoup de mobilier, de pièces, de costumes, peu de monde. Un raffinement so…scottish. La vue plongeante sur le jardin avec la mer en prolongement est un aesthetic choc ! Je descends me promener dans ces espaces à la française mais avec un brin de flou propre aux jardins anglais : géométrie, labyrinthes, herbes épanouie, tulipes en grappes et oiseaux aux chants exquis se mêlent pour un ravissement d’essences. Je rate la démonstration de faucons : pas grave y a le Puy du fou chez nous, et je reprends ma monture. Je donne 5 étoiles à Dunrobin. Plus que 20 km. Je fais une pause goûter dans la petite ville charmante de Dornoch. Cerisiers en fleur, jardins luxuriants, façades victoriennes, ruisseau au milieu… et excellent carrot cake sucré juste ce qu’il faut ! Je devise avec un vieux monsieur du coin qui m’apprend que son fils habite à Vitwy sour Saïne et qu’il est dans un club de vélo. Il me tient la porte et me dit : « it was a pleasure to meet you ». Ah ces écossais, si bien éduqués ! Dur de transposer ça dans un bar marseillais. Méditant sur le contraste du monde, je termine les derniers km vent de face, ouch. Arrivée à Tain – pas l’ermitage en France -. Gregor de mon dernier airbnb m’attendait tout sourire. C’est un gars d’Afrique du Sud qui se demande chaque jour s’il ne va pas y repartir car ici on caille caille. Son fils est déjà à Cape Town avec comme objectif de devenir cycliste pro. Il me montre des photos de lui en action sur sa bécane. Des fois, j’ai l’impression que les hôtes airbnb profitent de leurs guests pour faire des séances de psy gratos. Je dîne dans une ancienne gare transformée en resto, plat correct bien que farce indéterminée et encore dernier dans le resto vu qu’ils mangent tous à l’heure des poulettes. Puis, de mon lit moelleux, je ferme l’oeil sur les cerisiers du jardin qui déversent leur pluie de pétales…
J11 Ecosse – Lybster > Helmsdale
Ptit dèj agité avec Helen mon hôtesse airbnb, vraie pipelette. Tous les matins, elle dèj virtuellement par facetime avec sa best friend qui habite à Chypre : elle laisse le tel allumé et vaque à ses occupations pendant qu’on entend les paons du jardin de sa copine pousser des « Lééooonnnn ». Je coupe court – sinon j’y serais encore – et me mets en route avec un sublime soleil et sans vent ! Une journée idéale commence…non obstant mon mal de genoux qui s’accroît. La distance prévue étant très courte : 39km, je joue au touriste en m’arrêtant de partout. 1iere halte : un musée sur la vie des paysans des temps anciens qui en chiaient, 2ieme halte : un musée sur les vikings et sur un auteur – Neil Gunn – qui a bien traduit la nostalgie écossaise, 3ieme halte : la visite d’un village en ruine car les gens installés ici suite aux clearances (cf : Wikipedia), ont fui, la vie étant trop rude. De la joie et de la légèreté en barres quoi ! Je pique-nique au soleil avec une jolie vue : pain, tomates cerises du Maroc (pardon au Dieu de l’écologie), fromage de chèvre très goutu local (ça compense), tarte au citron triple couche fluo degueu et banane pas locale (ça decompense). J’arrive à Helmsdale mon port d’attache (car c’est encore en bord de mer), mignon port au passage. Je visite un dernier musée avec expo très contemporaine autour de la mémoire nucléaire du coin : il y a eu un gros centre d’expérimentation…nucléaire. Tour dans la salle des archives où je peux voir des photos de classe de la fin du XIXieme : étrange de voir ces enfants souriants morts depuis si longtemps. Pour retrouver de l’allant, allons prendre un café avec un scone au fromage : « coffee single shot or double ? ». Mon airbnb m’attend, j’ai 4 lits, dur de choisir lequel va recevoir mon auguste fessier puis dans la cuisine, je rencontre un écrivain qui conduit des étudiants américains de lieux en lieux pour sentir les Highlands. It’s time to eeeeaaaat ! Je me rends au « mirage » – non non, ce n’est pas un snack kebab comme à Marseille – pour déguster du poisson local : du haddock. Sur le menu, je lis « grilled » ou « battered », je me dis « chouette, grilled ça veut dire qu’il sera pas frit ou pané pour une fois ». Arrivent des filets de poisson panés avec des frites – ndlr : y a des frites partout, prochainement avec les desserts -. Je demande dans un anglais châtié : « Excuse me sir, could you explain me the difference between grilled et battered ? ». Il me dit que grilled c’est pané et battered c’est profondément frit…et pané. Bref : moment de découragement culinaire. Je ne prends pas le risque du dessert, je me rue au Spar en face – car j’ai toujours un besoin impérieux de finir par une note sucrée – , acheter un toffee pudding, ça sera peut-être pas meilleur mais j’en aurai pour mon argent : c’est que 90 pences ! Lesté par ce repas équilibré, je m’endors rêvant de loup grillé et petits legumes à peine croquants avec un soupçon d’huile d’olive…
J10 Ecosse – Reay > Lybster
J10 Ecosse à vélo : Reay > Lybster
P…lus près de toi odieux !
L…es sanglots longs et penetrants de l’Ecosse
U…rinent sur mon ame et mon coeur à corps rossent
I…congrue était cette idée de pays
E…nsoleillement zéro, p.l.u.i.e en soucis
P.L.U.I.E.
Vous l’avez compris, chers amis lecteurs assidus (ou pas), le départ de chez Peter s’est fait sous la pluie…continue pendant toute la journée ! J’étais trempé, énervé, lassé, gelé. La route n’était pas très belle, grise, parfois boueuse. De la marde quoi ! J’ai tracé sans vraiment m’arrêter car il n’y a pas grand chose à regarder et la prise de photos était exclue vu la pluie, le risque de noyer mon ifoune et le risque probable de le faire tomber vu l’état de mes doigts ankylosés. J’ai pique-niqué en 30 sec debout en bord de route sous la pluie battante, jurant entre 2 bouchées qu’on ne m’y reprendrait plus. Rien pour s’asseoir ou se mettre à l’abri bien sûr. Semi-agonisant, à 20km de l’arrivée, j’ai pu trouver un pub – le pub – dans un patelin. J’ai pris un thé brûlant sur fond de télé à fond, branchée sur le foot, avec 2 locaux en maillot hurlant bière à la main. C’était pittoresque et sympathique. On a un peu parlé – leur accent était bien campagne profonde – puis au 3ieme but, je suis reparti. Je suis arrivé tôt à Lybster, j’ai retrouvé Helen, la propriote du airbnb qui m’était destiné. Elle m’avait dit « je serai au magasin ». Je n’avais pas demandé « quel magasin ? » car quand il y a par miracle un magasin dans un patelin des Highlands, y en a pas 2 ! Elle a appelé son mari en s’éloignant dans la rue – car il n’y avait pas de réseau -, qui est venu ouvrir la maison à moquette épaisse et à 2 caniches affectueux. Trempé comme une soupe, les os imbibés, j’ai filé dans un bain chaud où j’ai mis longtemps à reprendre vie : mes doigts de pieds frozen sont restés engourdis pendant 30 min ! J’ai cru que j’allais les perdre ! John le mari m’avait indiqué – fier comme un bar tabac – qu’il y avait une enceinte Alexa dans la salle de bain (ndlr à l’attention des non-geek : c’est une enceinte musicale amazon connectée avec reconnaissance vocale), et donc que je pouvais écouter des french songs pendant le bain. J’ai donc nagé en écoutant : The Doors et Muse : « Alexa, play The Doors ! ». Regaillardi, je suis allé faire un tour dehors car MIRACLE : il y avait un grand soleil ! Juste après mon pédalage de la journée bien sûr… Sans aigritude, je suis allé au port où tout était calme et reposé comme après une tempête. La lumière jouait au projecteur de bateaux et le chemin de crête offrait des points de vues superbes. J’ai dîné avec Helen et John qui m’ont raconté des tonnes d’histoires sur leur vie dans plein de pays du monde et leur fierté d’avoir une fille actrice star à Hollywood avec une maison sur la colline. Après le bon whisky local de John d’usage et le « Sweet night darling » d’Helen, j’ai sombré la tête dans les étoiles…d’Hollywood.
J9 Ecosse – Durness > Reay
Ptit dèj avec les anglais crazy crazy. Je me prépare à un parcours pas piqué des moutons : 97km et 1500m de dénivelé. Le soleil est là et le vent non ! Premièèèère journée de vrai beau temps ! Juste avec ce qu’il faut de nuages pour donner du relief au…relief et des niveaux aux couleurs. La route entre Durness est un enchaînement grandiose de plages à sable blanc, d’eau turquoise, de falaises, de détours et contours autour de Lochs, de reflets de monts enneigés, d’herbe fluo…N’en jetez plus, gardez tout ! Je m’arrête sans cesse pour admirer ces cartes postales. Vers midi, j’arrive à Tongue, on s’en délecte. Et le hasard n’existant pas : les 2 anglais crazy crazy aussi ! On s’offre un lunch de roi avec main course de succulentes langoustines locales et un banofee en dessert. On se quitte -vraiment- après avoir chanté des morceaux de rock, et révélation : même les anglais chantent en yaourt les morceaux en anglais ! (Enfin en yogourt). La route reste très belle jusqu’à Betty hill la bien nommée par son raidillon puis plus quelconque. Pendant ce temps-là, mes genoux font des leurs et j’arrive à Reay sur les rotules…douloureuses. Peter, du réseau de cyclistes warmshowers m’accueille chez lui par des petits papiers comme un jeu de piste. Sa maison est un gros bordel, un peu comme à l’âge d’or poussiéreux de mon appartement à Puteaux. Peu après mon entrée, il arrive, c’est un écossais un peu ours mais généreux. Il entreprend de faire un curry pendant que je m’active à mon fameux fondant au chocolat. Le curry est délicieux, mon fondant dégueu pour la première fois…mais je sais pourquoi c’est déjà ça. Il ne m’en tient pas rigueur, apprécie le geste et me parle de ses aventures à vélo dans le monde entier… ça fait rêver et ça interroge : pourquoi se fixer ensuite dans un coin si froid et pluvieux après avoir goûté à tant de lieux où la douceur de vivre met en joie ? On se finit -car j’ai déjà bu beaucoup de vin chilien- avec un whisky australien très parfumé. Je m’effondre dans ma chambre qui ressemble à un chalet avec lambris et grosses dalles en schiste irrégulières.
J8 Ecosse – Durness
« lazy day », je projette de faire du vélo aux alentours de Durness et de rester une seconde nuit dans cette youth hostel fort sympathique. Pourquoi ne pas aller à Cape Wrath, le point le + nord-ouest de l’Ecosse ? P’têt ben qu’oui, p’têt ben qu’non…le vent est si fort qu’il pourrait décorner les moutons ! J’hésite. Finalement, je me lance mais arrivé au quai pour prendre le ferry…pas de ferry. On me dit que c’est à cause du vent et aussi d’un enterrement dans le village. Les km en vélo pour revenir sont éprouvants à cause de ce fichu ventilateur boosté à la turbine highlandaise : heureusement que je ne suis pas allé à Cape Wrath finalement ! J’aurais fini projeté-écrabouillé sur un rocher. Je visite quelques ateliers d’artistes pas trop mal puis je rentre. Je passe par une grotte qui est bof puis je déguste des noix de st Jacques et crabes fraîchement pêchés. Hemingway m’accompagne l’après-midi dans un énorme fauteuil moelleux à tissus local comme seuls les anglo-saxons savent en faire, cup of tea à la main et gâteau au citron. Le soir je fais la rencontre à l’auberge de 2 anglais vivant proche de Manchester : Josh et Amie. Ils sont crazy crazy. Josh a une coupe à la David Lynch qui est son idole, des boucles d’oreilles à la punk à chien, il me montre des séquences de films « amazing ! » de Cocteau et Dali. Il a du faire un peu trop de festivals à substances, il est resté un peu « high ». Nous allons faire des photos du coucher de soleil, il court avec son trépied en tous sens car il adore la photo aussi. En dehors de son job de policière, Amie est une chanteuse de rock tatouée et rit tout le temps. On parle aussi avec un gars retraité qui fait plein de voyages car il a compris que « the door is closing », alors faut vite profiter selon lui. J’adore les auberges de jeunesse pour ça : un creuset d’âges, de pays, de cultures, de classes sociales… Tu mélanges le tout et ça donne un cocktail savoureux, épicé, contrasté, sucré, coloré : des moments simples et riches d’expériences/partages humains. Au moment de se coucher, minuit sonne et le ciel est toujours clair des horizons qui chantent.
J7 Ecosse – Kinlochbervie > Durness
J’ai attendu que le ciel s’assombrisse mais la nuit est restée claire, j’ai attendu de voir les étoiles mais elle ne sont venues, j’ai attendu le sommeil mais le vent faisait claquer les sangles maintenant ma frêle caravane…il n’est -presque- pas venu. Au matin, j’ai fait la vaisselle dans l’herbe glacée et mis mes vêtements frissonnants. Le soleil, lui, est venu ! Miracle ! Premier jour où la lumière fut. Projecteur dessinant les contours et les contrastes, l’Ecosse est apparu plus belle : jour/nuit. Eau grise/eau turquoise. Noir terne/noir luisant. J’ai emprunté un chemin de vtt assez technique avec des passages pour moutons partout, j’ai dû jouer à saute-mouton. La baie de Sand Wood était là, sous mes yeux remplis de couleurs, un endroit amazing ! Grandes étendues d’herbes vertes rasées de près ouvrant la voie à un tapis de grandes dunes parsemées de hautes tiges beiges, ravissant ton sur ton. Au delà roulaient des pierres sombres et un sable presque blanc écrin d’une mer bleu-translucide. Encadrement assuré par des montagnes abruptes, taillées par le vent. Seul, j’avais l’impression de débouler dans un lieu surréel. La remontée face au vent a sonné le temps de la réalité. Encore plein d’images, je me suis élancé vers ma prochaine destination : Durness. L’elancement s’est mué en envol, vent arrière me propulsant. Les voitures ne parvenaient plus à me dépasser. Le paysage est devenu éclatant avec le soleil, panorama qui s’étirait loin, loin. Un Loch se mélangeant à la mer était l’autre ravissement du jour : une berge en prairie, l’autre en montagne plus arides, et au milieu des langues de sables jouant au séparateur du spectre. Je suis arrivé tôt à Durness à l’auberge de jeunesse. J’y ai fait la rencontre de Julie, une jeune retraitée fringante du Yorkshire (la région, pas le chien). Toute en malice, elle se baladait seule dans son mini-van en quête de découvertes. Elle avait vécu 1 an à Tarascon con. Elle me proposa de partager un plat de pâtes au saumon fumé + poireaux + crème, délicieusement mijoté, moi jouant au commis de cuisine. Empruntant son van, nous allâmes voir le coucher de soleil sur une jolie plage non loin prenant au passage une québécoise. Il y eut un matin ensoleillé, il y eut un soir ensoleillé par Julie.
J6 Ecosse – Lochinver > Kinlochbervie
Vers 4h du mat’, une lumière pâle en raies à travers un store me réveille : c’est déjà l’aube ici ! Au petit dèj, je goûte les délicieux biscuits au chocolat type short bread de Monika. Je me prépare mollement : difficile de quitter cette famille attachante. On promet de s’échanger nos recettes. La route est vraiment dure, yoyo incessant entre montées raides et descentes grisantes. Des Loch de partout et la mer en toile de fond souvent. Des montagnes sombres qui se confondent avec le ciel…sombre. Et toujours cette fragrance de noix de coco des ajoncs jaunes fluo. Ferme les yeux, tu te crois en Thaïlande, la chaleur en moins ! De Dissonance cognitive en perte de repères, l’Ecosse me joue des tours. Je grelotte en m’arrêtant -ou plutôt l’inverse- en bord de route dans une alimentation-café. Manque de pot, faut manger dehors, avec jolie vue néanmoins. Je prends cup of tea chargée lait+sucre, du magret de canard local fumé excellent, un pain aux graines tout chaud et un gouda au cumin local aussi. Je repars assez vite car le thé brûlant ne compense pas ma chute de température abyssale. Re-route hard, un peu de lassitude et de haut le coeur à faire haut-bas permanent. J’arrive à Scourie, je bois un café serré et un gâteau au citron moyen. Je me remotive pour les 23 derniers km ! La route est plus large, bien bitumée, ça va un peu plus vite. Croyant être arrivé, je relis les instructions du airbnb et non ! Encore 3 km, ça n’en finit pas… Quelques descentes bien raides à 15% qu’il faudra remonter demain… J’arrive ! Je loge dans une petite caravane douillette perchée face à une magnifique baie. Bon, pas de douche ni d’électricité mais c’est sympa : une petite bouteille de proseco m’attend ainsi que des fruits et des victuailles dans le placard, youpi ! Je vais pouvoir cuisiner. Voulant me faire un café, le gaz s’éteint : je dois changer la capsule, je l’insére mal et manque de foutre le feu avec grandes flammes qui sortent de partout, je sens le cochon grillé poils brûlés. Au menu ce soir : pates avec sauce tomate mijotée au thon, gouda, fruits, biscuits…et proseco ! Le vent devient hyper violent, la pluie revient et la caravane gémit, couinements de tôles, un agneau égaré bêle sans fin…et comme un miracle, le soleil apparaît sur la baie, il me réchauffe. Je descends sur la plage agitée : le sunset est un cadeau divin. Avant de m’endormir, j’écoute un podcast passionnant de Michel Onfray : « le christianisme, un chamanisme solaire ». Ca parle du cosmos, ça tombe bien, les étoiles font leur apparition.
J5 Ecosse – Ullapool > Lochinver
Départ traînant car journée s’annonçant plus cool. A 9h30, me voilà affrontant une route single track (1 seule voie) « rollercoaster » (= montagnes russes). La pluie battante et le vent me lacèrent le visage…pas une partie de plaisir malgré un beau paysage tout en plans superposés. L’anglais est parti après moi mais ne me rattrape pas car je suis monté sur ressorts ce matin, je veux sortir de cette tempête presto ! A peine le temps d’engloutir en 2 bouchées une barre aux pommes séchées mais déjà humides que j’enfourche à nouveau ma monture. J’arrive tôt à mon point de destination : Lochinver. Je vadrouille un peu dans le village portuaire -rapide car y qu’une rue qui longe la mer glagla (6 degrés paraît-il)-, je fais un benchmarking des restos/pub -facile y en a que 2 ouverts sur 4 en tout- puis j’en choisis un avec vue sur le port et sur un cerf qui broute devant comme un animal domestique. Je vous raconterai une autre fois comme une biche m’a harcelée pour manger ma banane ! Mon pote anglais arrive, on dèj : soupe à la tomate, haddock – salade, gâteau muesli-framboise. On se quitte pour de bon puis je roule chez la famille qui m’accueille pour la nuit (le fameux réseau warmshowers). Une maison en bois, un panneau indiquant « interdit aux gens stupides », des objets partout comme un cabinet de curiosités, 3 chats au moins, 2 chiens…le ton est donné : atypique. Je leur fait mon fameux fondant au choc de choc, elle cuisine un chili qu’on boit avec du vin du Chili, une musique folk douce flotte, que du bonheur ! On parle des Cevennes car ils sont allés à Florac ! Le petit garçon va chercher des fleurs comestibles dehors pour décorer le gâteau. On parle de pêche car Stewart est fishing guide : y a un atelier de fabrication de mouches dans un coin du salon, on s’insurge sur le green washing ! Il m’apprend à déguster un bon whisky et me confie que la vie est dure ici et les gens rudes… On touche du doigt l’intime.
J4 Ecosse – Gairloch > Ullapool
Ptit dèj avec Steve un anglais de 62 ans qui fait des trips à vélo incroyables, traversant l’Europe de part en part à coups de roues. Roué au temps écossais, il m’assure qu’il a rarement vu un temps si pourri à cette période. Ca rassure ? Me voilà reparti de cette auberge au cordeau tenue par une étudiante allemande. Je m’arrête à une pharmacie pour acheter un strap pour mon genoux droit douloureux. Est-ce parce que la première journée m’a mis sur les rotules ? Est-ce que je crains le froid et l’humidité comme le chocolat ? Est-ce parce que j’ai les 2 ménisques fissurés -dixit un rhumato y a 6 ans – ?J’attaque direct par une forte montée et vent oblige, je lutte. Prenant une photo en bord de route, je me fais dépasser par un jeune cycliste lourdement chargé. Je le poursuis mais il trace ! Je le retrouve installé devant un beau panorama, assis sur un petit carré waterploof, faisant du café avec cafetière à l’italienne sur son réchaud ! Il m’en offre, je lui donne du chocolat grelottant. Étrange étudiant en medecine, aux sacoches pleines de tout, courant à l’aube chaque jour avant de pédaler et campant 1 nuit sur 2. On repart ensemble. Il me resème. Mouvement perpétuel, on se retrouve pour dèj et se réchauffer dans une auberge en bord de chemin. On tape la discute avec 2 grands hollandais à vélos puis 2 écossaises frétillantes. On repart à 6 ! Le panorama est grandiose, avec des découpes plongeantes sur des loch, de grandes montagnes, des sommets enneigés, des torrents couleur guiness. Quelques descentes où on frôle les 80km/h ! La dernière ligne droite dure mais dure, accompagnée par un soleil qui apparaît miraculeusement. La palette de couleurs change, les nuages jouent au révélateur, ombres et lumières, contraste saisissant du vert fluo de l’herbet et des montagnes sombres. De grands résineux nous escortent jusqu’à Ullapool, mignon port de pêche tout en longueur avec façades blanches. Tous les 6, attablés devant fish&chips et bières, on parle voyage. Humeur vagabonde.
J3 Ecosse – Talladale > Gairloch – 70 km
70km avec détours et contours.
Partant ventre plein de Talladale qui porte mal son nom, j’ai faim de soleil…mais il ne vient toujours pas. Je longe le très beau Loch Maree dont les reflets gris sur gris sont d’un bel effet ton sur ton. Je m’aventure sur une route à la végétation assez luxuriante qui est censée arriver à une plage de sable rose et à un petit salon de thé croquignolet…mais foin de rose et de thé ! La plage est introuvable et la gargotte fermée… Je rebrousse chemin et me dirige vers Gairloch, charmant port de pêche qui s’étire sur quelques km. Je croise un Bouddha de plage et avale une soupe vegie dans un resto très bobo qui mélange décos montagnardes, ayurveda et scones. Je finis par un gâteau à la passion sans passion. Le temps vire encore plus, je fais une variante prolongation car l’auberge de jeunesse n’ouvre qu’à 17h. Je vais jusqu’au bout de la côte par une route étroite en tapis russe parsemée de rares maisons et moutons frissonnants. Des plages et des falaises se découpent tel Etretat sans le côté surfait d’un normand s’en gargarisant. J’ai l’impression d’être seul au bout du monde, funambule sur une langue de bruyère desséchée par trop de vent et brûlée par trop de pluie. J’arrive à la lueur de la fin : le phare. Je reviens mais cette fois vent de face, froid mordant et griffé de pluie. J’arrive à l’auberge qui se dresse face à la mer, toute proprette, rangée avec un lounge panoramique : lieu idéal pour se poser avec un bouquin d’Hemingway. Mais douche first ! Puis je savoure une bière locale au son du ressac et goûte aux conseils d’un cycliste roué aux Highlands. Petits plaisirs minuscules…Manque plus qu’un vieux whisky.